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L’accord relatif à l’impact du numérique sur les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire

Publié le 21/10/25

Les auteurs

David Cluzeau est Président de la commission des affaires sociales, Union des Employeurs de l’Economie Sociale et Solidaire (UDES). Il est également Délégué général de Hexopée, organisation professionnelle représentative dans les secteurs de l’animation, du sport, du tourisme social et familial et des foyers et services pour les jeunes travailleurs, Vice-Président de l’OPCO Cohésion Sociale.

Carole Hellegouarc’h est Secrétaire confédérale CFDT en charge du dialogue social dans l’Economie Sociale et Solidaire.

 

Les auteurs

David Cluzeau est Président de la commission des affaires sociales, Union des Employeurs de l’Economie Sociale et Solidaire (UDES). Il est également Délégué général de Hexopée, organisation professionnelle représentative dans les secteurs de l’animation, du sport, du tourisme social et familial et des foyers et services pour les jeunes travailleurs, Vice-Président de l’OPCO Cohésion Sociale.

Carole Hellegouarc’h est Secrétaire confédérale CFDT en charge du dialogue social dans l’Economie Sociale et Solidaire.

 

Les négociations de cet accord ont été finalisées en 2021. De 2017 à 2019, l’ANACT à la demande l’UDES et sous l’impulsion du groupe de dialogue social mis en place au sein de l’ESS a réalisé une étude d’impact relative aux conséquences du numérique sur les conditions de travail et d’emploi dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) (5). Ces travaux ont permis de formaliser les bases d’une déclaration commune le 14 janvier 2020, signée par l’ensemble des organisations syndicales, et d’engager une négociation en vue d’un accord multi professionnel. L’UDES intervient dans un champ multi professionnel qui regroupe l’ensemble des branches de l’ESS. L'accord fait donc office de cadre d'action répondant aux principes de valeur ajoutée et de subsidiarité vis-à-vis des branches professionnelles.

La préparation et la négociation de l’accord

Pour négocier l’accord sur le numérique en situation de travail, la méthode a consisté en une analyse du travail dans les différentes branches de l’ESS qui a permis d’établir un constat partagé et de mesurer les conséquences de la transformation numérique sur le fonctionnement des structures de l’ESS, les conditions et l’organisation du travail.

La démarche faisait suite aux résultats de la deuxième édition du baromètre Chorum-Cides sur la qualité de vie au travail dans l’ESS en 2017 (6). Cette enquête mettait en évidence que le recours au numérique était en augmentation dans le travail et perçu comme ayant un impact positif sur la qualité de vie au travail. Il est toutefois apparu nécessaire, au regard des enjeux liés à son développement, d'approfondir l'analyse des conséquences de la transition numérique sur les conditions de travail et l'emploi.

 La 1ère phase des travaux a consisté à faire un état des lieux. Le Groupe de Dialogue Social (GDS), créé par les acteurs de l’ESS, a souhaité faire appel à l’ANACT pour réaliser en 2018-2019 une étude avec des monographies dans les différents secteurs d’activité. Cette étude visait à analyser les représentations des acteurs sur la transition numérique et ses conséquences sur le travail et l’emploi. 

Les résultats ont mis en évidence que les transformations étaient essentiellement appréhendées à travers les outils numériques, réseaux sociaux, intranet, systèmes d’information, les projets « phare » tels que la mise en place d’un nouveau logiciel de gestion, et à travers des conséquences possibles sur l’emploi avec une approche plutôt « réactive » des compétences et de la formation.

La vision des enjeux liés au travail était souvent limitée au télétravail et au droit à la déconnexion.

Les dynamiques de transformation étaient plutôt perçues comme subies avec la nécessité de s’adapter dans des délais contraints et l’obligation d’évoluer avec le numérique. 

L’automatisation des tâches était dans certains cas comprise comme un moyen de se recentrer sur le travail à forte valeur ajoutée et dans d’autres cas comme un risque de perte de sens dans le travail, avec une segmentation des tâches, une perte de visibilité dans le processus global de travail et une polarisation des emplois.

Les outils numériques et leurs usages pouvaient constituer une opportunité pour le travail collaboratif, ou au contraire accentuer le contrôle ou le reporting.

La fragmentation des temps et des lieux de travail était analysée comme facilitant le télétravail mais pouvant aussi générer le débordement des temps de travail sur la vie privée, une multiplication des interactions s’accompagnant d’une dégradation des relations de travail, le développement des outils numériques pouvant également intensifier le travail, nonobstant le risque d’isolement.

L’étude de l’ANACT a permis de mettre en évidence qu’une stratégie numérique devait être mise en place à la lumière de la pluralité de ces différents enjeux.

 L’état des lieux réalisé et les recommandations de l'ANACT ont été intégrés à la déclaration commune du 14 janvier 2020, engageant l’ouverture de la négociation de l’accord multi professionnel.  Du fait de la crise sanitaire, la période de négociation a été rallongée. La crise a en outre amené à l’augmentation des outils numériques, l’accord ayant aussi pris en compte le télétravail, ce qui n’était pas vraiment prévu au départ. 

Les signataires ont également souhaité inscrire le projet dans l’esprit de l’accord cadre européen autonome sur la numérisation, signé le 22 juin 2020 par les partenaires sociaux européens.

Pour la CFDT, l’enjeu premier relevait de la méthode : les salariés passent avant l’outil, alors que, précédemment, on mettait l’outil en place en disant « on verra bien ».

L’organisation syndicale a un point commun avec les employeurs de l’ESS, la participation des salariés. 

La CFDT porte fortement l’articulation entre le dialogue social et le dialogue professionnel. Il s’agit de faire vivre la démocratie dans les entreprises : « parlons travail ». Les salariés sont des experts de leur travail. Le dialogue professionnel a été au cœur de la démarche, en reconnaissant que les salariés sont des experts de leur travail.

Aux termes de l’accord, « Le dialogue professionnel est constitué de l’ensemble des échanges et relations professionnels entre les acteurs internes de l’entreprise que sont les salariés, les managers, les représentants du personnel et les dirigeants et éventuellement des interlocuteurs externes (fournisseurs, concepteurs d’outils etc.).

Le dialogue professionnel ne se substitue pas et ne fait pas obstacle aux attributions des institutions représentatives du personnel, à celles des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et aux prérogatives de l’employeur. 

Le dialogue professionnel peut être mobilisé sous forme d’espaces de discussion en vue d’une démarche inclusive de conduite du changement ». 

Il s’agissait aussi d’établir une base de données communes avec les employeurs, de participer de manière loyale à la négociation.

Les enjeux prospectifs en matière d’emploi étaient à aborder avec la possibilité de mobiliser les outils adéquats d’adaptation des compétences et de formation. Comment s’adapter aux transitions professionnelles en ne laisser pas des personnes « au bord du chemin » ? 

L’usage du numérique renvoie également à des questions autour du management d’un collectif : comment le manager maintient le collectif de travail à distance ?

Le contenu de l’accord

Il est organisé en 4 grands chapitres :

La conduite du changement induite par la transition numérique

Elle doit être réalisée dans une logique inclusive à l’endroit des parties prenantes concernées : les dirigeants, les représentants du personnel, les managers et les salariés.

Les parties signataires rappellent que le dialogue professionnel, qui permet de mobiliser l’expérience des salariés, y compris des managers, a vocation, en articulation avec le dialogue social, à s’intégrer dans la conduite du changement.

Diagnostiquer, observer et expérimenter

Les parties signataires invitent les branches professionnelles et les entreprises de l’ESS à s’engager dans la réalisation d’états des lieux sur la base de diagnostics partagés.

 Une veille prospective permanente des évolutions et des usages des outils numériques est mise en place au niveau multi professionnel de l’ESS de manière à anticiper leurs impacts potentiels. 

Le droit à l’expérimentation est affirmé comme levier d’accompagnement des projets de transformation numérique avec la possibilité de « revenir en arrière » si nécessaire. 

Permettre à tous d’accéder à la transition numérique

L’objectif est de sensibiliser, informer et former à l’usage des outils numériques et à leur impact sur les conditions de travail et l’emploi, les dirigeants, les représentants du personnel, les managers et les salariés.

Cela implique de mesurer l’impact du numérique sur les besoins de compétences. Comment sont-elles transformées ? quelle évolution des référentiels de compétence ? des certifications ?[1] 

Les parties signataires invitent les branches et les entreprises à mettre en place des formations à l’attention des représentants du personnel et des dirigeants. Ces formations peuvent être communes dès lors que les enjeux sont partagés et que les parties prenantes y consentent.

Les pratiques et la régulation de l’usage des outils numériques 

Il s’agit d’assurer le respect de la vie personnelle et de garantir le droit à la déconnexion dans l’usage des outils numériques, d’assurer la régulation du télétravail. Afin de faciliter la mise en place du télétravail, l’accord comporte en annexe un modèle indicatif pouvant servir de base en vue de la négociation d’accords dans les entreprises de l’ESS.

Ce chapitre rappelle également l’obligation de se conformer au RGPD. Il traite également du contrôle de l’activité des salariés et de la prévention des risques via les outils numériques.          

 

[1] Cf. les travaux menés dans le cadre de l’ « EDEC ESS » : https://www.udes.fr/l-esscalier-numerique-sadapter-aujourdhui-pour-preparer-demain

Les suites de l’accord

Un guide UDES, co-rédigé par les cabinets Geste et Antipodes Ingénierie, a été proposé aux branches et aux employeurs de l’ESS présentant des déclinaisons pratiques de l’accord sous la forme de 14 fiches thématiques en vue de faciliter la négociation d’accords.

L’accord a créé une dynamique avec l’engagement de négociation dans des branches professionnelles telle que l’aide à domicile. Pour la CFDT, l’enjeu est d’assurer le suivi de l’accord dans ses volets qualitatif et quantitatif à travers une commission dédiée. 

L’accord prévoit également la mise en place d’un observatoire spécifique au sein du Groupe de Dialogue Social de l’ESS. 

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